Impact des ZFE sur les jeunes ruraux : quelles solutions pour une transition énergétique inclusive ?

En bref:

  • Les Zones à Faibles Émissions (ZFE) risquent d’exacerber les inégalités de mobilité pour les jeunes ruraux, qui dépendent fortement de leur véhicule pour se déplacer et accéder à l’emploi.
  • Des solutions innovantes, telles que le covoiturage solidaire, l’autopartage électrique et des transports en commun adaptés, sont essentielles pour garantir une transition énergétique inclusive.
  • Un accompagnement personnalisé et le développement d’infrastructures adaptées sont cruciaux pour éviter l’exclusion territoriale lors de la mise en place des ZFE.

À l’heure où les Zones à Faibles Émissions (ZFE) deviennent obligatoires dans toutes les agglomérations françaises de plus de 150 000 habitants depuis le 1er janvier 2025, les interrogations se multiplient quant à leurs conséquences sur la mobilité des jeunes vivant en milieu rural. Véritable enjeu d’équité sociale et territoriale, l’exclusion potentielle des jeunes ruraux des centres urbains nécessite des solutions alternatives concrètes et adaptées. Décryptage d’une problématique essentielle pour réussir la transition énergétique sans creuser davantage les fractures territoriales.

Une mobilité entravée : l’inégalité des jeunes ruraux face aux ZFE

Pour les 70% des jeunes ruraux qui dépendent de leur véhicule au quotidien, la voiture n’est pas un simple confort : elle constitue une nécessité absolue. Selon une enquête publiée par le Secours catholique en 2024, en effet, 10 % des ménages ruraux n’ont même pas accès à un véhicule, dépendant de proches ou d’associations pour se déplacer. Parmi les jeunes ruraux, ce constat est encore plus préoccupant : le budget mensuel moyen consacré aux transports atteint 528 euros, contre seulement 307 euros chez leurs homologues urbains.

Avec l’entrée en vigueur progressive des ZFE, ce sont directement les voitures les plus anciennes, souvent acquises à moindre coût par ces jeunes, qui sont visées par les interdictions de circulation. Ces véhicules classés Crit’Air 3, 4, 5 ou non classés se trouvent ainsi progressivement interdits d’accès aux grandes villes françaises. Un véritable casse-tête pour cette génération rurale déjà confrontée à de nombreuses barrières économiques et logistiques.

ZFE et accès à l’emploi : des conséquences préoccupantes

L’impact de ces mesures ne se limite pas à la contrainte mécanique de modifier son mode de transport : il a aussi une incidence directe sur l’accès à l’emploi. Une récente étude réalisée en juin 2024 pointe un chiffre alarmant : 38 % des jeunes ruraux en recherche d’emploi renoncent à passer des entretiens faute de moyens de transport adéquats, contre seulement 19 % en zone urbaine. L’instauration des ZFE pourrait ainsi creuser davantage ce fossé, surtout si ces jeunes n’ont pas les moyens d’acquérir un véhicule répondant aux nouvelles normes environnementales.

📌 Bon à savoir : 63 % des Français déclarent aujourd’hui ne pas être en capacité financière d’acquérir des véhicules récents compatibles avec les exigences des ZFE (Crit’Air 1 ou 2).

Vers des solutions durables : initiatives innovantes pour un territoire inclusif

Face à ce constat, plusieurs territoires et associations expérimentent et mettent en place des solutions pour une mobilité rurale durable et inclusive. Voici les principales pistes prometteuses :

1. Le covoiturage solidaire : mutualiser les trajets pour réduire les coûts

Le développement massif du covoiturage solidaire passe par des plateformes locales efficaces telles que OuestGo ou Mobicoop, permettant à la fois d’organiser quotidiennement des trajets mutualisés et de renforcer le lien social entre jeunes ruraux et urbains. Un système pragmatique et pertinent pour réduire simultanément pollution et précarité énergétique.

2. L’autopartage pour démocratiser la mobilité électrique en ruralité

L’autopartage électrique est également une alternative à fort potentiel. Des expérimentations régionales sont en cours pour proposer la location à moindre coût de véhicules électriques au sein des communes rurales. Pour que cette solution soit crédible, il faudra toutefois anticiper les barrières logistiques en matière d’infrastructures de recharge, aujourd’hui largement insuffisantes en milieu rural.

💡 Conseil d’expert : promouvoir des garages collectifs sécurisés et répartis sur tout le territoire rural permettrait non seulement de recharger les véhicules partagés mais aussi d’offrir un point d’information et d’assistance aux usagers peu familiers avec l’électromobilité.

3. Mobilité à la demande et développement de transports en commun adaptés

Le transport à la demande consiste en une offre flexible répondant à des besoins spécifiques et évolutifs. Certaines collectivités, en Occitanie par exemple, tentent ainsi de renforcer leur réseau de bus et de trains régionaux en proposant des tarifs très attractifs (1 euro). Si l’idée est louable, ses limites demeurent importantes, notamment du fait des fréquences et des horaires, encore rarement adaptés à la réalité des emplois ou obligations des jeunes ruraux.

4. Un accompagnement concret et personnalisé des ménages

Une récente expérimentation menée par le cabinet Auxilia montre que l’accompagnement personnalisé constitue un levier essentiel. Durant 4 mois, les participants ont pu tester gratuitement plusieurs formes de mobilité collective ou active (vélo à assistance électrique, transport en commun, autopartage… avec l’aide d’un conseiller mobilité. Cette expérience, dont les effets ont été globalement positifs, met en évidence la nécessité de créer des points relais physiques capables d’accompagner les ménages sur un temps long et d’offrir une réelle pédagogie de la transition énergétique.

Préparer l’avenir : le défi de l’équilibre territorial

S’il est indiscutable que les ZFE jouent un rôle majeur dans la nécessaire amélioration de la qualité de l’air en France, ces dispositifs révèlent également un enjeu fondamental : garantir un équilibre territorial et une équité sociale dans cette transition. L’objectif ambitieux de réduire la dépendance à la voiture individuelle ne peut être atteint sans un accompagnement réel, des infrastructures suffisantes et adaptées, et surtout un dialogue concret avec les personnes impactées directement au quotidien.

📢 « Contraindre la mobilité de certains ménages vulnérables peut aussi avoir des effets indirects sur d’autres ménages.» – Jade Charbonnier, chercheuse-consultante chez Auxilia.

Le défi est aujourd’hui clairement affiché : concilier ambition écologique, réalité sociale et impératif économique pour éviter que la transition écologique ne devienne synonyme d’exclusion territoriale. Cette équation complexe, indispensable à résoudre, exige des mesures à la fois courageuses, pragmatiques et partagées avec celles et ceux qui les vivent au quotidien.

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