En bref:
- Plusieurs constructeurs automobiles en France, dont Volkswagen, Renault et Stellantis, baissent les prix de leurs véhicules électriques grâce aux certificats d’économie d’énergie (CEE), visant à rendre les voitures électriques plus accessibles.
- Malgré ces baisses, les préoccupations persistantes sur l’autonomie, le réseau de recharge et la dépréciation des véhicules électriques demeurent.
- La concurrence entre constructeurs européens et asiatiques s’intensifie, forçant une réévaluation des stratégies industrielles pour respecter les objectifs d’émissions de CO2 tout en maintenant la rentabilité.
Dans un contexte de transition énergétique accélérée, plusieurs constructeurs automobiles ont récemment annoncé une baisse significative des prix de leurs véhicules électriques en France. Volkswagen, Renault et Stellantis mènent cette offensive commerciale grâce notamment aux certificats d’économie d’énergie (CEE). Analysons les conséquences de ce mouvement sur le marché automobile français, les consommateurs et la transition vers une mobilité plus verte.
Le mécanisme des CEE : un nouveau levier pour baisser les prix
Un système qui profite aux constructeurs et aux consommateurs
Depuis fin 2024, un nouvel arrêté ministériel a intégré l’achat de véhicules électriques dans le dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE). Concrètement, les fournisseurs d’énergie doivent financer des actions permettant de réduire la consommation énergétique, dont désormais l’acquisition de voitures électriques.
Le 13 mars 2025, Volkswagen a rejoint Renault et Stellantis en annonçant un partenariat avec EDF pour proposer des réductions immédiates sur ses véhicules électriques. Ces primes peuvent atteindre 345 euros pour un particulier achetant ou louant une voiture électrique, et jusqu’à 4 000 euros pour un professionnel souhaitant acquérir un utilitaire électrique.
📌 Bon à savoir : Contrairement au bonus écologique, les CEE sont attribués sans conditions de revenus et n’excluent pas les véhicules fabriqués en Asie.
Des partenariats stratégiques avec les énergéticiens
Chaque constructeur a choisi son partenaire énergétique pour mettre en œuvre ce dispositif :
- Volkswagen s’est associé à EDF
- Stellantis (Peugeot, Citroën, Fiat) collabore avec Engie
- Renault a mis en place son dispositif depuis fin février 2025
Selon le ministère de l’Économie, une voiture électrique permet d’économiser environ 49 mégawattheures d’énergie, ce qui justifie son intégration dans le dispositif des CEE.
Impact sur les prix : une offensive commerciale tous azimuts
Des remises inédites sur toute la gamme
Les constructeurs ne se limitent pas aux CEE pour séduire les clients. On observe actuellement une véritable guerre des prix sur le segment électrique :
- Renault propose deux mois de loyer offerts sur toute sa gamme électrique et hybride pendant ses portes ouvertes de mars. La nouvelle R5 électrique, pourtant très attendue, bénéficie déjà de remises de 400 à 1 800 euros, alors qu’elle vient d’arriver en concession.
- Fiat (groupe Stellantis) étend le bonus écologique de 2 000 à 6 000 euros, dont 4 000 euros de sa propre poche, pour la 500e.
- Volkswagen offre 4 000 euros sur sa berline ID.3 et applique désormais les réductions CEE dès l’achat.
- Ford n’est pas en reste avec 2 500 euros de remise sur son nouveau SUV-coupé Capri électrique et jusqu’à 9 000 euros sur son grand Mach E.
Ces baisses de prix s’expliquent notamment par la pression réglementaire européenne : les constructeurs doivent vendre suffisamment de véhicules électriques pour respecter les normes d’émissions de CO2 imposées par l’UE. En 2025, ils doivent commercialiser environ un quart de leurs véhicules en version électrique pour éviter de lourdes sanctions financières.
Les hybrides également concernés
Les véhicules hybrides profitent aussi de cette tendance baissière :
- Toyota applique des remises de 2 500 euros sur son Yaris Cross et jusqu’à 4 450 euros sur la citadine Yaris.
- Nissan propose son Qashqai « Full Hybrid » à 34 600 euros au lieu de 39 600 euros.
- Volkswagen offre 6 700 euros de réduction sur sa nouvelle Golf eHybrid rechargeable.
Conséquences pour les consommateurs : opportunités et interrogations
Une accessibilité renforcée mais encore insuffisante
Cette baisse généralisée des prix devrait rendre les véhicules électriques plus accessibles pour une partie des Français. Cependant, malgré ces efforts, le prix moyen d’un véhicule électrique reste significativement plus élevé que celui d’un modèle thermique équivalent.
Les aides cumulées (bonus écologique + CEE) peuvent représenter jusqu’à 6 000 euros de réduction pour un particulier, ce qui compense en partie la réduction du bonus écologique par le gouvernement, passé de 7 000 à 4 000 euros pour les ménages les plus modestes, et à 2 000 euros pour les autres.
L’abandon des conditions de revenus pour bénéficier des CEE (contrairement au bonus écologique) permet théoriquement de toucher un public plus large. De même, l’absence de restriction concernant l’origine du véhicule ouvre la porte aux modèles asiatiques, souvent plus compétitifs en termes de prix.
💡 Conseil d’expert : Pour maximiser les économies, comparez attentivement les offres des différents constructeurs et n’hésitez pas à négocier davantage, certains concessionnaires étant prêts à consentir des efforts supplémentaires pour atteindre leurs objectifs de vente de véhicules électriques.
Des préoccupations persistantes
Malgré ces baisses de prix, plusieurs freins à l’adoption massive des véhicules électriques demeurent :
- L’autonomie : Bien qu’en progression constante, l’autonomie reste une préoccupation majeure pour beaucoup de Français.
- Le réseau de recharge : L’infrastructure de recharge, bien qu’en développement, n’est pas encore suffisamment dense et fiable.
- La dépréciation : L’incertitude concernant la valeur résiduelle des véhicules électriques inquiète certains acheteurs.
Conséquences pour le marché automobile français
Une concurrence exacerbée entre constructeurs européens et asiatiques
Les constructeurs européens doivent faire face à une concurrence de plus en plus forte des marques asiatiques. BYD, MG et d’autres proposent des véhicules électriques à des prix compétitifs, souvent inférieurs à ceux des modèles européens, avec un avantage coût estimé à 25%.
Pour contrer cette menace, les constructeurs européens misent sur :
- Des modèles plus abordables (Volkswagen ID.2, Renault 5, Citroën ë-C3)
- Des économies d’échelle avec l’augmentation des volumes de production
- Des collaborations entre constructeurs pour partager les coûts de développement
Une stratégie industrielle en mutation
La baisse des prix des véhicules électriques oblige les constructeurs à repenser leur stratégie industrielle. Volkswagen, par exemple, a annoncé la production de sa future citadine électrique "ID. EVERY1" à moins de 20 000 euros en Europe, pour une commercialisation prévue en 2027.
Cette voiture de quatre places, avec 250 km d’autonomie, sera directement en concurrence avec la T03 de Leapmotor (marque chinoise de Stellantis), la future Citroën C3 électrique (moins de 20 000 euros), la Dacia électrique (moins de 18 000 euros) et la Twingo (moins de 20 000 euros).
Cependant, cette transition n’est pas sans douleur : Volkswagen a annoncé cet hiver la suppression de 35 000 emplois en Allemagne et l’arrêt de la production dans deux de ses usines, une première historique pour le groupe.
Perspectives pour la transition énergétique
Un accélérateur pour l’électrification du parc
La baisse des prix des véhicules électriques devrait logiquement stimuler les ventes et accélérer l’électrification du parc automobile français. En février 2025, la part de marché des voitures électriques atteignait 20,4%, en progression malgré un contexte économique incertain.
Les modèles les plus vendus en février 2025 incluent la Renault 5 E-Tech, la Citroën ë-C3 et le Tesla Model Y, preuve d’une diversification de l’offre qui répond progressivement aux différents besoins des consommateurs.
Des inquiétudes légitimes sur le dispositif des CEE
Si le système des CEE contribue à la baisse des prix, il fait également l’objet de critiques. La Cour des comptes avait appelé en septembre 2024 à une réforme "en profondeur" du dispositif, jugé "de plus en plus complexe" et reposant sur "des règles et mécanismes multiples et instables".
De plus, les fournisseurs d’énergie répercutent les coûts des CEE dans leurs prix de vente. "Le coût associé aux CEE est donc supporté par les ménages et les entreprises du secteur tertiaire, s’apparentant sur le plan économique à une taxe sur l’énergie", selon la Cour des comptes.
Quelle durabilité pour cette stratégie de prix bas ?
La question centrale est de savoir si cette politique de prix bas est soutenable à long terme pour les constructeurs. Si elle permet d’écouler les stocks et de respecter les objectifs européens d’émissions de CO2, elle risque également de peser sur leurs marges.
Les constructeurs européens doivent trouver un équilibre délicat entre compétitivité des prix, rentabilité et investissements massifs nécessaires pour développer de nouvelles générations de véhicules électriques plus abordables.
⚡ À retenir : Cette baisse des prix intervient dans un contexte de ralentissement des ventes de véhicules électriques en Europe, alors que les objectifs environnementaux fixés par l’UE se font plus pressants. Les constructeurs n’ont donc pas d’autre choix que de rendre leurs véhicules électriques plus attractifs, quitte à réduire temporairement leurs marges.
La transition vers l’électromobilité en France entre ainsi dans une phase décisive, où l’enjeu n’est plus seulement technologique mais aussi économique et social : comment démocratiser l’accès aux véhicules propres tout en maintenant une industrie automobile européenne viable face à la concurrence internationale ? La réponse à cette question déterminera largement le succès de cette révolution de la mobilité.