Hybrides rechargeables après 2035 : pourquoi les constructeurs insistent tant et quelles conséquences pour la France ?

En bref:

  • Les constructeurs automobiles plaident pour le maintien des véhicules hybrides rechargeables (VHR) après 2035, soulignant des avantages en termes de bilan carbone et d’autonomie.
  • Malgré leur réduction d’émissions modérée par rapport aux véhicules thermiques, les VHR demeurent moins efficaces que les véhicules entièrement électriques, surtout en France, où l’énergie nucléaire décarbonée favorise l’électrification.
  • La position actuelle de la Commission européenne impose une interdiction stricte des moteurs thermiques, mais une réévaluation des réglementations est prévue d’ici 2026, laissant place à des débats sur les options intermédiaires.

À l’approche de l’interdiction des moteurs thermiques en 2035, l’industrie automobile européenne joue ses dernières cartes pour défendre les véhicules hybrides rechargeables (VHR). Face à une Commission européenne pour l’instant inflexible, constructeurs et équipementiers tentent de démontrer la pertinence écologique de ces modèles. Quels arguments avancent-ils exactement ? Et quels impacts cette prise de position peut-elle avoir sur la stratégie énergétique de la France ?

Pourquoi les constructeurs refusent d’abandonner les hybrides rechargeables

Un bilan carbone contesté

L’un des arguments majeurs de la filière automobile est l’approche du cycle de vie complet des véhicules. Selon les constructeurs, un hybride rechargeable génère environ deux fois moins d’émissions de CO2 lors de sa production qu’un véhicule électrique. Un véhicule totalement électrique aurait ainsi à parcourir entre 40 000 et 60 000 km avant de compenser ce handicap initial. Or, ce bilan diffère nettement d’un pays européen à l’autre, selon la nature de l’énergie électrique produite : avantage net en France grâce à son énergie nucléaire très faiblement carbonée, mais beaucoup moins en Allemagne ou en Pologne, largement dépendantes des énergies fossiles.

📌 À retenir : Le calcul des émissions sur l’ensemble du cycle de vie, incluant fabrication, usage et recyclage, pourrait changer considérablement les règles du jeu réglementaire européen.

La question de l’autonomie et du coût pour le consommateur

Second argument : les VHR conjuguent autonomie étendue et usage zéro émission en milieu urbain. Pour attirer l’attention de Bruxelles, les constructeurs évoquent une possible augmentation à au moins 100 kilomètres de leur autonomie en mode entièrement électrique et la possibilité technique de désactiver le moteur thermique en zones citadines. Reste cependant une dure réalité commerciale : ces modèles demeurent très coûteux en raison de leur double motorisation. À titre d’exemple, une Peugeot 3008 hybride rechargeable coûte facilement 5 000 euros de plus que l’équivalent en hybride classique.

💡 Astuce : L’autonomie restante un critère déterminant d’achat pour les consommateurs, les constructeurs cherchent avant tout à proposer des compromis séduisants.

L’hybride rechargeable peut-il vraiment contribuer à la transition énergétique française après 2035 ?

Un gain carbone limité face au tout électrique

En matière d’émissions, selon les dernières Analyses du Cycle de Vie (ACV), les hybrides rechargeables affichent une réduction des émissions de l’ordre de 15 à 20 % par rapport aux thermiques, alors que les véhicules entièrement électriques atteignent entre 60 à 70 % de réduction en France. Même si des progrès technologiques majeurs sur les batteries des VHR peuvent être réalisés, il reste un net avantage pour l’électrique pur en termes d’émissions globales.

📊 Comparatif Émissions de CO2 sur la durée de vie

TechnologieRéduction des émissions
Véhicule Hybride Rechargeable~20%
Véhicule Électrique~70%

La complexité d’une approche "multi-énergies"

La filière automobile souhaite éviter de s’enfermer dans les seules solutions purement électriques, d’autant plus face à une adoption lente par les consommateurs européens (à peine 13,6% d’immatriculations électriques en 2024 contre un objectif initial européen de 22%). Mais la multiplication des solutions – électrique, hybride rechargeable, hydrogène ou encore e-fuels – induit une complexité accrue, notamment pour les infrastructures de recharge et d’approvisionnement en carburants alternatifs.

ℹ️ Bon à savoir : la France, avec ses ambitions nucléaires élevés et un réseau électrique très décarboné, apparaît naturellement plus favorable aux solutions 100 % électriques, ce qui peut induire une dissonance avec la stratégie des constructeurs.

Comparaison européenne : quelle position pour la France ?

Alors que des pays comme l’Allemagne, très portée vers les e-fuels, ou la Pologne, encore largement fossile, pourraient voir d’un très bon œil une ouverture réglementaire vers les hybrides rechargeables après 2035, la France fait figure d’élève modèle de l’électrification grâce à son parc nucléaire historique.

Pourtant, Paris pourrait y voir un moyen d’accélérer les réductions d’émissions sur le parc roulant existant, notamment grâce au recours aux biocarburants et aux carburants de synthèse dans les hybrides rechargeables. Rappelons aussi que la France affiche déjà une volonté de diversifier ses stratégies vers l’hydrogène bas-carbone ou encore vers des carburants alternatifs comme les e-fuels (carburants de synthèse produits à partir d’énergies renouvelables).

📢 Ils ont dit : « Il faut autoriser les hybrides rechargeables utilisant des carburants très décarbonés après 2035 », affirme Nicolas Kurtsoglou, expert reconnu sur le sujet.

Que décidera (probablement) Bruxelles ?

À l’heure actuelle, la Commission européenne maintient sa position « zéro émission » pour 2035. Mais la clause de revoyure prévue sur cette mesure doit être réévaluée à partir du troisième trimestre 2025, avec une possible prise de décision d’ici 2026. Cette période sera cruciale pour les constructeurs qui multiplient les négociations, notamment pour intégrer une approche moins dogmatique et plus pragmatique incluant l’hybride rechargeable.

Date clé à surveiller : Discussions définitives entre Bruxelles et la filière à partir de fin 2025 ; décisions attendues courant 2026.

Au final, la bataille pour l’avenir de l’hybride rechargeable dépasse largement les considérations techniques. Elle pose une question fondamentale sur l’avenir de la mobilité en Europe : faut-il se concentrer exclusivement sur une électrification rapide et totale, ou bien privilégier une avancée plus modérée grâce aux technologies intermédiaires telles que les hybrides rechargeables ? Pour l’industrie automobile comme pour les décideurs politiques français, le choix aura des conséquences durables sur la transition énergétique, le pouvoir d’achat des consommateurs et l’aménagement à venir du territoire. La réflexion mérite donc pleinement d’être menée au grand jour.

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