En bref:
- Les véhicules hybrides rechargeables (PHEV) dominent le marché automobile européen, dépassant les voitures à essence pour atteindre 34,9% des nouvelles immatriculations en janvier 2025.
- Leurs performances environnementales sont contestées, avec des émissions réelles souvent supérieures aux chiffres d’homologation, ce qui soulève des questions sur leur rôle dans la transition énergétique.
- En France, bien que les hybrides rechargeables soient considérés comme un compromis acceptable vers une mobilité plus verte, leur efficacité dépendra de l’utilisation régulière de modes de recharge et du développement des infrastructures de recharge.
Dans un paysage automobile en pleine transformation, les véhicules hybrides occupent désormais le devant de la scène européenne. Début 2025, une tendance majeure s’est confirmée : les modèles hybrides ont dépassé les véhicules à essence conventionnels en termes de parts de marché. Cette évolution suscite de nombreuses interrogations quant à l’impact réel de ces technologies sur la transition énergétique, particulièrement en France. Entre promesses environnementales et réalités d’usage, ces véhicules mi-thermiques mi-électriques représentent-ils une étape intermédiaire nécessaire ou un frein potentiel vers une mobilité véritablement décarbonée ?
Le nouvel échiquier du marché automobile européen
Les hybrides dominent désormais le marché continental
Les chiffres publiés par l’Association des constructeurs européens (ACEA) en février 2025 sont sans équivoque : les véhicules hybrides ont conquis la première place du marché automobile européen. En janvier dernier, ils représentaient 34,9% des nouvelles immatriculations, affichant une progression impressionnante de 18,4% par rapport à l’année précédente. Cette dynamique s’observe au détriment des motorisations essence, dont la part de marché s’est contractée à 29,4%, suite à une chute des ventes de 18,9%.
Cette ascension des hybrides n’est pas un phénomène isolé. Après avoir dominé le marché pendant trois mois consécutifs entre septembre et novembre 2024, ces véhicules confirment leur position de force début 2025. Cette tendance s’inscrit dans un contexte où le diesel poursuit son inexorable déclin, ne représentant plus que 10% des nouvelles immatriculations, une baisse de 27% en un an.
Parallèlement, les véhicules 100% électriques affichent une progression encourageante de 34% sur un an, portant leur part de marché à 15%. Toutefois, ce chiffre demeure loin des 25% visés par la Commission européenne pour 2025, et plus encore de l’objectif de 100% à l’horizon 2035.
Un marché global toujours en difficulté
Ce bouleversement des parts de marché s’opère dans un contexte économique morose pour l’industrie automobile européenne. Le mois de janvier 2025 a enregistré une baisse globale des ventes de 2,6% par rapport à janvier 2024. Au total, 831 201 véhicules ont été immatriculés sur le continent au cours de cette période, confirmant que le marché peine toujours à retrouver ses niveaux d’avant la pandémie de Covid-19.
Les principaux marchés européens affichent des performances contrastées. L’Allemagne, la France et l’Italie ont enregistré des reculs significatifs, tandis que l’Espagne a réussi à maintenir une légère croissance. Cette situation traduit les incertitudes économiques persistantes et les questionnements des consommateurs face aux différentes technologies disponibles.
Les différentes technologies hybrides : une complexité croissante
Hybrides conventionnels vs hybrides rechargeables : des différences fondamentales
Pour comprendre pleinement les enjeux liés à cette évolution du marché, il convient de distinguer les différentes technologies regroupées sous le terme générique d’« hybride ».
Les véhicules hybrides conventionnels (HEV) combinent un moteur thermique avec un petit moteur électrique et une batterie de capacité limitée. Cette batterie se recharge exclusivement par le freinage régénératif et le moteur thermique lui-même, sans possibilité de branchement externe. Ces véhicules peuvent parcourir de très courtes distances (généralement quelques kilomètres) à basse vitesse en mode électrique, mais leur principal avantage réside dans une consommation réduite en cycle urbain.
Les hybrides rechargeables (PHEV), quant à eux, disposent d’une batterie de plus grande capacité, pouvant être rechargée sur une prise électrique. Ils peuvent ainsi parcourir plusieurs dizaines de kilomètres en mode 100% électrique. Le SUV Lynk & Co 08, qui vient d’arriver en France, pousse cette logique à l’extrême avec une autonomie électrique annoncée de 200 km grâce à une batterie de 39,6 kWh, un record pour cette catégorie.
Enfin, les véhicules 100% électriques (BEV) fonctionnent exclusivement avec un ou plusieurs moteurs électriques alimentés par une batterie de grande capacité, sans aucun moteur thermique d’appoint.
L’essor des véhicules "multi-hybrides" sur le marché
Le paysage des hybrides se complexifie davantage avec l’émergence de technologies intermédiaires comme les micro-hybrides ou les mild-hybrides, qui utilisent un système électrique 48V pour assister ponctuellement le moteur thermique sans proposer de mode de conduite purement électrique.
Cette diversification technologique répond aux stratégies des constructeurs qui tentent de s’adapter aux réglementations de plus en plus strictes en matière d’émissions de CO2, tout en proposant des solutions accessibles à des consommateurs souvent désorientés face à cette offre pléthorique.
Les raisons du succès des hybrides
Un compromis séduisant pour les consommateurs
Le succès des hybrides s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, ils offrent un compromis rassurant pour les automobilistes : une meilleure efficacité énergétique sans l’anxiété d’autonomie associée aux véhicules électriques électriques. La possibilité de réaliser des économies de carburant sans modifier radicalement ses habitudes de mobilité constitue un argument de poids pour de nombreux acheteurs.
De plus, contrairement aux 100% électriques, les hybrides ne nécessitent pas d’infrastructure de recharge spécifique, ce qui les rend particulièrement attractifs dans les zones où le déploiement de bornes demeure insuffisant. Cette caractéristique est déterminante pour les habitants des zones péri-urbaines et rurales, où l’accès aux infrastructures de recharge reste problématique.
Une stratégie gagnante pour certains constructeurs
Les constructeurs japonais, pionniers de cette technologie, ont largement profité de cette tendance. Toyota, qui a développé cette approche dès les années 1990 avec sa Prius, maintient un niveau élevé de ventes malgré une légère baisse de 4,9% en janvier 2025.
Du côté européen, Renault a également tiré son épingle du jeu avec une progression de 5% de ses ventes, portant sa part de marché à 10,9%. À l’inverse, Stellantis a subi une importante contraction de 17,9% sur la même période, mais affirme redresser progressivement la situation après une fin d’année 2024 catastrophique.
Le groupe Volkswagen confirme sa position dominante avec une croissance de 5,6% en janvier, représentant 27,7% du marché européen. Sa stratégie multi-technologies, incluant hybrides et électriques, semble porter ses fruits malgré les difficultés rencontrées par certaines de ses marques comme Skoda ou Audi.
L’impact environnemental réel des hybrides rechargeables : entre promesses et controverses
Des écarts significatifs entre homologation et utilisation réelle
Si les hybrides conventionnels offrent des gains d’efficacité mesurables, la situation est plus complexe pour les hybrides rechargeables. Plusieurs études indépendantes ont révélé des écarts considérables entre les performances environnementales théoriques et réelles de ces véhicules.
L’ONG Transport & Environment a notamment mis en lumière que les émissions réelles de CO2 des PHEV peuvent être deux à quatre fois supérieures aux chiffres d’homologation. Des tests sur des modèles populaires comme la BMW X5, la Volvo XC60 ou le Mitsubishi Outlander ont montré des émissions supérieures de 28% à 89% aux valeurs officielles, même avec une batterie pleinement chargée. Lorsque la batterie est déchargée, ces émissions peuvent grimper jusqu’à huit fois les valeurs annoncées.
Cette situation s’explique principalement par les habitudes d’utilisation : de nombreux propriétaires de PHEV ne rechargent pas régulièrement leur véhicule, transformant de facto ces modèles en voitures thermiques alourdies par une batterie et un moteur électrique rarement exploités. En conditions réelles, la consommation moyenne des PHEV atteint 4,0 à 4,4 L/100 km pour les véhicules personnels et peut grimper jusqu’à 7,6 à 8,4 L/100 km pour les véhicules d’entreprise, se rapprochant dangereusement des consommations des modèles purement thermiques.
Analyse du cycle de vie : une vision plus globale
Au-delà des émissions à l’échappement, l’analyse du cycle de vie complet des véhicules hybrides rechargeables révèle d’autres enjeux environnementaux. La fabrication des batteries lithium-ion représente une part significative des émissions de CO2 sur l’ensemble du cycle de vie, estimée entre 30% et 50% selon les modèles.
Les hybrides rechargeables présentent donc un bilan carbone intermédiaire entre les véhicules thermiques et électriques. À la fabrication, leur impact est supérieur aux véhicules thermiques en raison de la batterie, mais inférieur aux véhicules 100% électriques qui nécessitent des batteries encore plus volumineuses. À l’usage, leur bilan dépend fortement des habitudes de recharge : optimal lorsque le véhicule est rechargé quotidiennement et utilisé principalement sur de courtes distances en mode électrique, mais décevant lorsque le moteur thermique est sollicité en permanence.
Le cadre réglementaire et les politiques publiques
L’évolution des incitations fiscales en France
En France, le cadre réglementaire a considérablement évolué ces dernières années. Depuis le 1er janvier 2023, les hybrides rechargeables ne bénéficient plus du bonus écologique, désormais réservé aux véhicules 100% électriques. Cette décision reflète une volonté politique de concentrer les aides publiques sur les technologies zéro émission à l’échappement.
Néanmoins, certaines collectivités locales maintiennent des aides spécifiques pour l’acquisition de véhicules hybrides rechargeables, créant un paysage d’incitations hétérogène sur le territoire. La Métropole du Grand Paris, par exemple, propose encore des subventions pour ces véhicules sous certaines conditions de revenus.
Les objectifs européens et leur impact sur le marché
Au niveau européen, la réglementation CAFE (Corporate Average Fuel Economy) impose aux constructeurs des objectifs contraignants en matière d’émissions moyennes de CO2. Pour 2025, la Commission européenne vise à ce que 25% des véhicules neufs vendus soient zéro émission, un objectif que les 15% actuels de véhicules électriques rendent difficile à atteindre.
À plus long terme, l’Union européenne maintient son objectif d’interdiction des véhicules émettant du CO2 à l’échappement d’ici 2035, ce qui inclurait théoriquement les hybrides rechargeables. Toutefois, des discussions sont en cours pour potentiellement autoriser la vente de PHEV après cette date, reconnaissant leur rôle potentiel dans la transition énergétique.
Cette incertitude réglementaire pousse les constructeurs à diversifier leurs gammes et à développer des solutions techniques de plus en plus sophistiquées, comme l’illustre l’apparition de PHEV à très grande autonomie électrique.
Les hybrides rechargeables dans la stratégie de transition énergétique française
Une contribution ambivalente aux objectifs climatiques
La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) française fixe des objectifs ambitieux pour le secteur des transports, avec notamment la suppression progressive des véhicules émettant du CO2 à l’échappement. Dans ce cadre, le gouvernement français vise 1,8 million de véhicules hybrides rechargeables en circulation d’ici 2028, aux côtés de 3 millions de véhicules 100% électriques.
Cette approche traduit une vision pragmatique de la transition énergétique, reconnaissant que les hybrides rechargeables peuvent constituer une étape intermédiaire utile, particulièrement pour certains usages spécifiques. Pour les conducteurs parcourant régulièrement de longues distances ou vivant dans des zones mal équipées en infrastructures de recharge, les PHEV représentent une alternative crédible aux véhicules thermiques conventionnels.
Cependant, l’efficacité de cette stratégie dépend crucialement des conditions d’utilisation de ces véhicules. Si les propriétaires de PHEV ne les rechargent pas régulièrement, leur contribution à la réduction des émissions de CO2 restera marginale, voire contre-productive en raison du surpoids lié aux composants électriques.
Le défi des infrastructures de recharge
L’un des enjeux majeurs pour maximiser l’impact positif des hybrides rechargeables réside dans le développement des infrastructures de recharge. Si la France compte désormais plus de 100 000 points de recharge publics, leur répartition demeure inégale sur le territoire, avec une concentration dans les zones urbaines et les grands axes routiers.
Pour inciter les propriétaires de PHEV à utiliser pleinement la capacité électrique de leur véhicule, l’accès à des solutions de recharge à domicile et sur le lieu de travail s’avère déterminant. Des initiatives comme le crédit d’impôt pour l’installation de bornes de recharge domestiques visent à lever cet obstacle, mais leur impact reste limité par les contraintes techniques liées à l’habitat collectif.
Perspectives d’avenir et évolutions technologiques
Vers des hybrides rechargeables à grande autonomie électrique
L’arrivée sur le marché français de modèles comme le SUV Lynk & Co 08, offrant une autonomie électrique de 200 km, illustre une évolution significative dans la conception des hybrides rechargeables. Ces véhicules de nouvelle génération, dotés de batteries plus grandes et de capacités de charge rapide (33 minutes pour passer de 10 à 80% pour le Lynk & Co 08), brouillent la frontière traditionnelle entre PHEV et véhicules électriques.
Ce type de véhicule pourrait répondre aux critiques formulées à l’encontre des PHEV conventionnels, en permettant de couvrir la majorité des déplacements quotidiens en mode électrique tout en conservant la flexibilité d’un moteur thermique pour les longs trajets. À 53 995 € pour la version de base, le Lynk & Co 08 se positionne sur un segment premium, mais cette tendance pourrait progressivement se démocratiser.
Le rôle des hybrides dans un mix énergétique diversifié
À moyen terme, la place des hybrides dans la stratégie de transition énergétique française s’inscrit dans une approche multi-technologies. Si les véhicules 100% électriques représentent l’horizon désirable pour une mobilité décarbonée, les contraintes techniques, économiques et infrastructurelles actuelles justifient le maintien d’alternatives transitoires.
La stratégie de constructeurs comme Toyota, qui défend une approche diversifiée incluant hybrides, hybrides rechargeables, électriques et hydrogène, témoigne de cette nécessité de proposer un éventail de solutions adaptées aux différents usages et contextes. En janvier 2025, cette vision semble validée par le marché, comme en témoignent les solides performances du groupe japonais malgré un contexte économique difficile.
Les progrès technologiques dans le domaine des batteries (densité énergétique, durabilité, temps de recharge) et la baisse progressive des coûts de production détermineront en grande partie le rythme de cette transition. Si l’autonomie des véhicules électriques continue d’augmenter et que le réseau de recharge se densifie, l’avantage comparatif des hybrides rechargeables pourrait s’éroder progressivement.
La montée en puissance des hybrides rechargeables en Europe témoigne d’une phase de transition complexe vers une mobilité plus durable. Ni panacée écologique, ni simple artifice marketing, ces véhicules représentent une étape intermédiaire dont l’impact environnemental réel dépend largement des conditions d’utilisation et des infrastructures disponibles. Pour la France, ils constituent un levier parmi d’autres dans une stratégie de décarbonation qui devra, pour être efficace, combiner innovations technologiques, évolutions réglementaires et transformation des comportements de mobilité. L’avenir nous dira si cette percée des hybrides aura constitué un accélérateur ou un frein dans notre transition vers une mobilité véritablement durable.