L’hybride rechargeable face aux nouvelles réglementations européennes : un avenir incertain ?

En bref:

  • L’Union européenne impose des objectifs d’émissions de CO2 de plus en plus stricts, remettant en question la viabilité des véhicules hybrides rechargeables (PHEV) face à la montée en puissance des véhicules 100% électriques.
  • À partir de 2025, les nouvelles méthodes de calcul des émissions des PHEV vont augmenter leurs chiffres d’émissions, rendant ces véhicules moins attractifs pour les constructeurs.
  • Les constructeurs doivent investir massivement dans l’électrification de leurs gammes pour respecter les normes, tout en faisant face à une concurrence accrue et à des défis en matière d’infrastructures de recharge.

Dans un contexte de transition énergétique accélérée, l’Union européenne resserre progressivement l’étau autour des véhicules thermiques. Les constructeurs automobiles se trouvent confrontés à des défis de taille pour respecter des objectifs d’émissions de CO2 toujours plus stricts. Au cœur de cette transformation, les véhicules hybrides rechargeables (PHEV) jouent un rôle ambivalent, à la fois solution transitoire et technologie remise en question. Plongeons dans les méandres réglementaires et les enjeux industriels qui façonnent l’avenir de cette motorisation.

Un durcissement réglementaire sans précédent

Des objectifs CO2 drastiques pour 2025

L’année 2025 marque une étape cruciale dans la stratégie européenne de réduction des émissions de CO2 du secteur automobile. La Commission européenne impose aux constructeurs de réduire les émissions moyennes de leurs flottes de véhicules neufs à 93,6 g/km de CO2, soit une baisse de 15% par rapport au niveau de référence de 2021. Pour les véhicules utilitaires légers, l’objectif est fixé à 153,9 g/km.

Ces seuils, déjà ambitieux, ne sont qu’une étape vers l’objectif ultime de zéro émission pour tous les véhicules neufs vendus en Europe à l’horizon 2035. Une telle ambition bouleverse les stratégies des constructeurs et remet en question la pertinence de certaines technologies, dont l’hybride rechargeable.

Une évaluation plus réaliste des émissions des PHEV

Jusqu’à présent, les véhicules hybrides rechargeables bénéficiaient d’une méthodologie de calcul des émissions particulièrement avantageuse. Celle-ci surestimait largement la part des trajets effectués en mode électrique, conduisant à des chiffres d’émissions de CO2 bien en deçà de la réalité d’usage.

Face à ce constat, la Commission européenne a décidé de revoir sa copie. À partir de 2025, les "facteurs d’utilité" – qui déterminent la proportion de conduite électrique prise en compte dans le calcul des émissions – seront considérablement réduits. D’ici 2027, ces facteurs seront totalement alignés sur les données de conduite en conditions réelles.

Cette évolution méthodologique aura des conséquences majeures sur le positionnement des PHEV dans les stratégies des constructeurs. Les émissions officielles de ces véhicules vont mécaniquement augmenter, les rendant moins attractifs pour atteindre les objectifs réglementaires.

Les constructeurs face à l’équation impossible

Un défi industriel et commercial de taille

Les nouvelles réglementations placent les constructeurs automobiles dans une situation particulièrement délicate. Prenons l’exemple de Renault, dont le PDG Luca De Meo a récemment tiré la sonnette d’alarme. Pour atteindre l’objectif de 95 g/km de CO2 en moyenne sur sa flotte dès 2025, le groupe français devrait commercialiser une voiture électrique sur quatre, contre une sur six actuellement.

Cette progression spectaculaire – de l’ordre de 50% en un an – semble difficilement atteignable dans les conditions actuelles du marché. Même les constructeurs chinois, pourtant à la pointe de l’électrification, peinent à atteindre de tels ratios.

Des investissements colossaux sous la menace de sanctions

Face à ces objectifs, les constructeurs n’ont d’autre choix que d’investir massivement dans l’électrification de leurs gammes. Renault, par exemple, consacre déjà 60% de son budget R&D au développement de véhicules électriques. Mais ces efforts pourraient ne pas suffire.

En cas de non-respect des objectifs d’émissions, les sanctions financières prévues sont colossales. Pour Renault, l’amende pourrait atteindre 15 milliards d’euros. Une épée de Damoclès qui menace directement la capacité d’investissement des constructeurs dans les technologies d’avenir.

L’hybride rechargeable : une technologie en sursis ?

Un rôle transitoire encore important

Malgré les évolutions réglementaires, l’hybride rechargeable conserve un rôle non négligeable dans les stratégies à court terme des constructeurs. Selon les projections de Transport & Environment, Stellantis et le groupe Volkswagen devraient s’appuyer sur les hybrides pour respectivement 33% et 30% des réductions d’émissions de CO2 nécessaires pour atteindre les objectifs 2025.

Cette dépendance s’explique notamment par les délais de développement et d’industrialisation des véhicules 100% électriques. L’hybride rechargeable apparaît comme une solution de transition permettant de réduire rapidement les émissions moyennes des flottes.

Un avenir incertain à moyen terme

Cependant, les nouvelles méthodes de calcul des émissions des PHEV remettent en question la pérennité de cette technologie. Avec des émissions officielles revues à la hausse, ces véhicules perdront progressivement leur statut de "véhicules à faibles émissions" au regard de la réglementation européenne.

Cette évolution pourrait entraîner une baisse significative des ventes de PHEV dès 2025. Les constructeurs ne bénéficieront plus des mêmes avantages en termes de calcul des émissions moyennes de leur flotte, les incitant à privilégier les véhicules 100% électriques.

Le retour de Mitsubishi : un pari à contre-courant ?

Dans ce contexte mouvant, le retour du Mitsubishi Outlander PHEV sur le marché français interpelle. Ce modèle, qui avait dominé les ventes d’hybrides rechargeables en Europe pendant plusieurs années, fait son grand retour dans une version restylée de quatrième génération.

Doté d’une motorisation hybride rechargeable combinant un moteur essence 2.4 litres de 136 ch à deux moteurs électriques, l’Outlander affiche une puissance cumulée de 302 ch. Sa batterie de 22,7 kWh lui confère une autonomie électrique annoncée de 86 km en cycle mixte.

Mais ce retour en force intervient à un moment où l’avenir des PHEV semble compromis par les évolutions réglementaires. Mitsubishi parviendra-t-il à tirer son épingle du jeu sur un segment de marché de plus en plus concurrentiel et contraint ?

Vers une redéfinition du paysage automobile européen

L’essor inéluctable du 100% électrique

Face aux contraintes réglementaires et aux évolutions technologiques, le véhicule 100% électrique s’impose comme la solution d’avenir pour les constructeurs européens. Les projections de marché tablent sur une part de marché des BEV (Battery Electric Vehicles) comprise entre 20% et 24% dès 2025 dans l’Union européenne.

Cette croissance rapide s’accompagne cependant de défis majeurs en termes d’infrastructures de recharge et d’approvisionnement en batteries. Les constructeurs européens doivent également faire face à une concurrence chinoise de plus en plus pressante sur le segment de l’électrique.

La nécessaire démocratisation de l’électrique

L’un des principaux freins à l’adoption massive des véhicules électriques reste leur coût élevé. Les constructeurs sont donc contraints de développer des modèles plus abordables pour répondre aux attentes du marché et aux exigences réglementaires.

Renault, par exemple, maintient son projet de Twingo électrique à moins de 20 000 euros. D’autres initiatives, comme le développement de l’économie circulaire autour des batteries ou la généralisation du leasing, sont également explorées pour rendre l’électrique plus accessible.

Vers de nouvelles alliances industrielles

Face à l’ampleur des défis technologiques et financiers, de nouvelles collaborations se dessinent entre constructeurs européens et acteurs chinois. L’exemple de la joint-venture entre Stellantis et Leapmotor pour produire des véhicules électriques en Pologne illustre cette tendance.

Ces partenariats stratégiques permettent aux constructeurs européens de bénéficier de l’expertise chinoise dans l’électrique tout en conservant une production locale, enjeu crucial pour l’emploi et la souveraineté industrielle européenne.

L’industrie automobile européenne traverse une période de profonde mutation, contrainte par des objectifs environnementaux ambitieux et une concurrence internationale accrue. Dans ce contexte, l’hybride rechargeable apparaît comme une technologie de transition, dont l’avenir à moyen terme semble compromis. Les constructeurs doivent donc redoubler d’efforts et d’inventivité pour accélérer leur transition vers le tout électrique, seule voie possible pour respecter les futures normes d’émissions. Cette transformation radicale du paysage automobile européen ne se fera pas sans heurts, mais elle ouvre la voie à de nouvelles opportunités d’innovation et de collaboration à l’échelle internationale.

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