L’industrie automobile française à la croisée des chemins après la liquidation de MA France

En bref:

  • La liquidation de MA France met en lumière les défis persistants de l’industrie automobile française.
  • La transition vers la mobilité électrique et la concurrence internationale exacerbée sont des enjeux majeurs pour le secteur.
  • Les pouvoirs publics tentent de relancer une dynamique de réindustrialisation pour soutenir l’indépendance économique de la France.

L’annonce de la liquidation judiciaire de l’équipementier automobile MA France, dernier site industriel du secteur en Seine-Saint-Denis, sonne comme un nouveau coup dur pour l’industrie tricolore. Après des années de délocalisation et de restructurations, cet épisode vient souligner les défis persistants auxquels sont confrontés les acteurs français, des constructeurs aux équipementiers, dans un contexte de transition énergétique accélérée et de concurrence exacerbée.

Une liquidation qui ébranle la filière

Le 13 mai 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de MA France, équipementier automobile basé à Aulnay-sous-Bois. Cette décision met un terme brutal à l’activité de la dernière usine du secteur en Seine-Saint-Denis, qui employait 280 personnes.

Spécialisée dans l’emboutissage de pièces de carrosserie pour les petits utilitaires de Stellantis (Peugeot, Citroën) et Renault, MA France a été rattrapée par ses "difficultés structurelles de compétitivité", selon les mots du constructeur italo-américain. L’entreprise, propriété du groupe italien CLN, peinait à s’adapter aux défis du marché : hausse des coûts des matières premières, transition vers l’électrique et concurrence accrue des équipementiers asiatiques.

La nouvelle a été vécue comme un choc par les salariés, en grève depuis le 17 avril pour sauver leurs emplois. Dès l’annonce, une centaine d’entre eux ont convergé devant le tribunal pour demander l’appel de la décision. Un bras de fer s’était engagé avec Stellantis, principal client, qui accusait la CGT d’avoir "empêché la reprise du travail" malgré un accord validé par les autres syndicats.

Une filière en pleine mutation

Au-delà du drame social, cette liquidation illustre les profondes mutations que traverse l’industrie automobile française, chahutée par les crises successives et la disruption technologique.

Longtemps fleuron industriel, le secteur a subi de plein fouet les vagues de délocalisations vers des pays à bas coûts de main-d’œuvre. Selon les chiffres de Standard & Poor’s, la production automobile française a fondu de près des deux tiers depuis 2000, rattrapée par les constructeurs émergents, en particulier chinois.

Les équipementiers, qui fournissent jusqu’à 80% des composants d’un véhicule, sont en première ligne. Outre MA France, d’autres acteurs majeurs comme Faurecia ou Continental ont annoncé des milliers de suppressions d’emplois ces derniers mois pour regagner en compétitivité face à la concurrence.

En parallèle, la transition vers la mobilité électrique bouscule les modèles traditionnels. Les véhicules électriques, avec moins de pièces mobiles, nécessitent une chaîne d’approvisionnement repensée, menaçant les spécialistes des moteurs thermiques. Un défi de taille pour une filière qui a bâti son succès sur cette technologie durant des décennies.

Réindustrialiser : le pari de l’Etat

Face à ce contexte difficile, les pouvoirs publics tentent de relancer une dynamique de réindustrialisation, jugée cruciale pour l’indépendance économique et technologique de l’Hexagone.

Dès l’annonce de la liquidation de MA France, le ministre de l’Industrie Roland Lescure a appelé Stellantis et Renault à "accompagner" les salariés, que ce soit sur le volet social ou la requalification. Un appel qui fait écho aux 8 milliards d’euros débloqués par l’Etat en 2020 pour soutenir la filière automobile dans le sillage de la pandémie.

Au-delà des aides conjoncturelles, l’exécutif mise sur une stratégie de long terme : attirer de nouveaux investissements industriels, en particulier dans la production de véhicules électriques et de batteries, et développer les compétences dans ces domaines d’avenir. Un pari qui devra composer avec les réalités économiques et la rude concurrence internationale.

La Région parisienne, victime collatérale

L’épisode MA France met également en lumière les difficultés de réindustrialisation dans la région parisienne, durement frappée par les vagues de désindustrialisation depuis l’après-guerre.

Jadis poumon industriel de l’Ile-de-France, la Seine-Saint-Denis a vu ses usines fermer les unes après les autres, des chantiers navals de la Seine aux aciéries de la vallée de la Sambre. La fermeture en 2014 de l’usine PSA d’Aulnay, après 40 ans d’activité, avait déjà marqué un coup d’arrêt symbolique.

Malgré les efforts des collectivités pour attirer de nouvelles activités, le département fait aujourd’hui figure de désert industriel, peinant à se réinventer dans un monde où les facteurs d’attractivité ont changé. Un constat amer pour ce territoire populaire, qui paye un lourd tribut économique et social à la désindustrialisation.

Des défis à relever de toute urgence

La liquidation de MA France, au-delà du traumatisme immédiat, soulève des questions fondamentales pour l’avenir industriel de l’Hexagone. Dans cette période charnière de transition énergétique et technologique, la France parviendra-t-elle à conserver une base productive compétitive ? Saura-t-elle accompagner ses fleurons historiques vers les nouvelles mobilités, tout en faisant émerger de nouveaux champions ?

Les réponses apportées conditionneront la capacité du pays à rester un acteur industriel majeur, créateur d’emplois et d’innovations. Un enjeu économique, mais aussi stratégique dans un monde où l’indépendance technologique est plus que jamais au cœur des rapports de force.

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