En bref:
- Le gouvernement britannique a assoupli ses objectifs de transition vers une mobilité électrique, permettant la vente de véhicules hybrides jusqu’en 2035 en réponse aux pressions économiques et à la taxe américaine sur les véhicules importés.
- Cette décision souligne les défis de l’industrie automobile au Royaume-Uni et offre des leçons pour la France et l’Europe, notamment l’importance d’une approche équilibrée entre objectifs climatiques et réalités économiques.
- Les incitations fiscales et une réponse concertée européenne sont essentielles pour soutenir la transition vers des véhicules électriques tout en renforçant l’industrie locale.
Alors que le Royaume-Uni s’engageait à grand pas vers une mobilité entièrement électrique, le gouvernement britannique, sous l’impulsion de Keir Starmer, vient d’opérer un inattendu retour en arrière. À l’heure où l’industrie automobile européenne se trouve en plein bouleversement sous l’effet des taxes douanières américaines, cette décision britannique interpelle et invite à tirer des enseignements utiles pour la France et l’Europe. Décryptage complet d’un revirement qui pourrait influencer la stratégie de transition énergétique du continent.
Un revirement sous le poids des contraintes économiques
Annoncée par Boris Johnson dès 2020, l’interdiction des ventes de véhicules thermiques (essence et diesel) devait initialement être effective à partir de 2030 au Royaume-Uni. Si cette échéance reste formellement maintenue, le gouvernement de Keir Starmer vient d’assouplir considérablement les modalités d’application de ce changement majeur.
En effet, désormais, les véhicules hybrides (HEV) et hybrides rechargeables (PHEV) pourront être vendus jusqu’en 2035. Cet ajustement est largement influencé par une pression extérieure : la taxe douanière récemment imposée par l’administration américaine dirigée par Donald Trump, qui applique une taxe de 25 % sur les véhicules importés. Cette mesure revêt une importance particulière au Royaume-Uni, où près de 27 % de la production automobile nationale était exportée aux États-Unis en 2024.
📌 À retenir :
- Interdiction des véhicules 100 % thermiques toujours fixée à 2030
- Vente prolongée des véhicules hybrides jusqu’en 2035
- Taxe américaine de 25 % influente dans cette décision stratégique
Des assouplissements pour soutenir une industrie fragilisée
Cette décision britannique intervient dans un contexte économique délicat pour l’industrie automobile. Face aux difficultés à atteindre les objectifs initiaux (seulement 19,6 % de parts électriques contre un objectif de 22 % en 2024), Londres introduit plusieurs mesure de flexibilité :
- Réduction des quotas: Les constructeurs automobiles disposeront d’une plus grande latitude pour atteindre progressivement les objectifs des véhicules zéro émission (ZEVs). Certains seuils annuels peuvent être manqués jusqu’en 2026, à condition d’atteindre tout de même l’objectif final en 2030.
- Amendes revues à la baisse: Les pénalités par véhicule non conforme passent de 15 000 à 12 000 livres sterling.
- Crédits carbone flexibles: Londres autorise désormais un mécanisme d’emprunt de crédits CO2 aux constructeurs afin de compenser des résultats insuffisants sur une année donnée par une meilleure performance future.
Ces ajustements visent à apporter le soutien nécessaire à une industrie automobile britannique malmenée par les récentes évolutions géopolitiques et économiques.
Réactions partagées chez les professionnels du secteur automobile
La décision a été accueillie de façon globalement positive par les professionnels, qui estiment avoir plus de temps pour adapter leurs chaînes de production. Mike Hawes, directeur général de la Société britannique des constructeurs et commerçants automobiles (SMMT), se réjouit ainsi que le gouvernement ait « écouté l’industrie et reconnu les pressions extrêmes auxquelles les constructeurs font face ».
Toutefois, des voix critiques émergent également. Selon certains acteurs, l’assouplissement risque de ralentir la transition écologique au Royaume-Uni, créant un modèle potentiellement contreproductif où l’urgence climatique serait secondaire face aux intérêts économiques immédiats.
💡 Conseil d’expert : Pour réussir une telle transition, une approche équilibrée et pragmatique est essentielle. Prendre en compte les réalités économiques sans renier des objectifs environnementaux ambitieux permet de concilier performance industrielle et décarbonation efficace.
Quelles leçons à tirer pour la France et l’Europe ?
La décision britannique dégage plusieurs pistes de réflexion pour la France et l’Union Européenne dans leur approche de la mobilité électrique.
Être réaliste sans perdre de vue les objectifs climatiques
La transition vers les véhicules électriques doit prendre en considération les réalités industrielles et commerciales. La pression économique, comme celle induite actuellement par les taxes américaines, ne doit cependant pas servir de prétexte systématique au report d’échéances cruciales pour le climat.
Renforcer une industrie européenne solidaire
Face aux défis externes, tels que les décisions protectionnistes américaines, une réponse concertée au niveau européen semble indispensable. Renforcer le tissu industriel européen en privilégiant notamment les investissements dans les infrastructures de recharge et la filière des batteries est une priorité absolue.
Maintenir les incitations fiscales et réglementaires
La réduction temporaire des amendes britanniques constitue une réponse en situation de crise, mais il est capital de continuer à instaurer des mécanismes efficaces d’encouragement pour la filière électrique, notamment par des incitations fiscales attractives pour les consommateurs.
Assurer des flexibilités ciblées
L’exemple britannique montre l’intérêt de prévoir des exceptions ciblées pour protéger certains segments très spécifiques du marché, comme les constructeurs premium ou spécialisés (Aston Martin, McLaren). La France pourrait envisager des flexibilités similaires tout en s’assurant que les objectifs globaux de décarbonation soient maintenus.
ℹ️ À savoir : Le gouvernement britannique prévoit dès cet été de présenter une nouvelle « stratégie industrielle » pour assurer un avenir solide à l’ensemble du secteur automobile dans ce contexte de crise économique mondialisée.
Ce revirement britannique montre à quel point la transition énergétique du secteur automobile est corrélée aux enjeux économiques internationaux. Pour la France comme pour l’Europe, la clé du succès consiste à allier pragmatisme industriel et engagement climatique résolu, tout en construisant une réponse solidaire face aux défis économiques mondiaux. Une leçon d’équilibre géostratégique et industriel cruciale à l’horizon des échéances de 2030 et 2035.