Toyota accélère enfin sa course à l’électrique : un virage stratégique pour le marché français

En bref:

  • Toyota intensifie sa stratégie d’électrification avec le lancement de neuf nouveaux modèles 100% électriques en Europe d’ici 2026, visant à rattraper son retard face à la concurrence.
  • La marque japonaise s’engage à atteindre une part de 10% de véhicules "branchés" en 2025, tout en maintenant une approche multi-technologies pour réduire les émissions de CO₂.
  • L’entrée de Toyota sur le marché électrique français pourrait intensifier la concurrence et contribuer aux objectifs de transition énergétique, malgré des défis liés aux prix et à l’infrastructure de recharge.

Face à un secteur automobile en pleine mutation et des normes environnementales de plus en plus contraignantes, Toyota, le géant japonais de l’automobile, intensifie sa stratégie d’électrification. Alors que la marque a longtemps misé sur l’hybride, technologie dont elle est pionnière depuis la fin des années 90, elle présente aujourd’hui une feuille de route ambitieuse pour rattraper son retard dans le segment 100% électrique. Quelles conséquences cette nouvelle stratégie aura-t-elle sur le marché français et sur la transition énergétique en cours ?

Le roi de l’hybride à l’assaut du tout électrique

Un retard assumé sur l’électrification

Toyota a fait figure d’exception dans le paysage automobile mondial ces dernières années. Pendant que les constructeurs européens et américains investissaient massivement dans les véhicules 100% électriques, le constructeur japonais est resté fidèle à sa technologie hybride non rechargeable, qui a fait sa réputation et assure encore aujourd’hui l’essentiel de ses ventes en France.

En 2024, près de 85% des ventes du groupe au niveau national étaient "électrifiées", mais il s’agissait principalement d’hybrides classiques. Cette stratégie, qui semblait à contre-courant, s’est pourtant avérée payante face au ralentissement observé sur le marché des véhicules électriques l’an dernier.

Avec un seul véhicule 100% électrique dans sa gamme jusqu’à présent – le SUV bZ4X lancé en 2022, qui n’a rencontré qu’un succès limité – Toyota est resté très en retrait sur ce segment par rapport à ses concurrents directs.

Une offensive électrique ambitieuse pour 2025-2026

Le contexte a changé. Face à des normes CO₂ de plus en plus strictes et l’interdiction programmée des ventes de véhicules thermiques neufs en Europe d’ici 2035, Toyota se voit contraint de revoir sa stratégie et d’accélérer son offensive électrique.

"On veut maintenant développer nos ventes de voitures électriques car nous pensons que le timing est le bon et que le marché français va encore progresser sur cette motorisation", explique Florian Aragon, directeur général de Toyota France.

La marque japonaise vient d’annoncer le lancement de neuf nouveaux modèles électriques en Europe en 2025 et 2026, sous ses marques Toyota et Lexus. Parmi ces nouveautés, trois SUV électriques sont attendus dès cette année :

  • L’Urban Cruiser : un SUV compact (segment B) de 4,28 mètres, co-développé avec Suzuki, disponible avec deux capacités de batterie (49 ou 61 kWh) offrant une autonomie de 300 à 400 kilomètres.
  • Le C-HR+ : une version rallongée et entièrement électrique du C-HR, l’un des best-sellers de la marque. Avec ses 4,52 mètres, ce SUV coupé du segment C proposera le choix entre une batterie de 58 ou 77 kWh, cette dernière promettant jusqu’à 600 kilomètres d’autonomie. La version la plus puissante développera 343 chevaux.
  • Le bZ4X : le premier modèle électrique de Toyota bénéficiera d’une mise à jour avec un intérieur revu et de nouvelles options de batterie.

Quels impacts sur le marché automobile français ?

Vers une intensification de la concurrence

L’arrivée massive de ces nouveaux modèles Toyota sur le marché français va indéniablement intensifier la concurrence dans le segment des véhicules électriques, particulièrement face aux constructeurs français comme Renault et Peugeot.

En 2024, Renault dominait le marché français des véhicules électriques avec 16,9% de part de marché et 49 204 véhicules vendus, tandis que Peugeot maintenait une position forte. L’offensive de Toyota pourrait rebattre les cartes, d’autant que le constructeur japonais bénéficie d’une image de marque solide et d’une réputation de fiabilité bien établie.

Le C-HR+ viendra directement concurrencer des modèles comme la Renault Mégane E-Tech, tandis que l’Urban Cruiser se positionnera face à la Peugeot e-2008 et à la future Renault 5 électrique.

Une dynamique favorable pour le marché de l’électrique

L’arrivée de Toyota sur le segment électrique intervient à un moment clé. Selon plusieurs analyses, après une stagnation en 2024, le marché français des véhicules électriques devrait connaître une forte progression en 2025.

D’après certaines estimations, les voitures électriques pourraient représenter jusqu’à 30% des ventes chez les particuliers en 2025, contre seulement 22% en 2024. Cette croissance sera alimentée par l’arrivée de nouveaux modèles plus accessibles, comme ceux proposés par Toyota.

Pour respecter les objectifs européens de réduction des émissions de CO₂, le marché français doit atteindre au moins 22% de part de marché pour les véhicules électriques en 2025. L’entrée de Toyota dans ce segment, avec sa force de frappe commerciale et son réseau étendu, pourrait contribuer significativement à cette transition.

La recette Toyota pour réussir dans l’électrique

Une stratégie multi-technologies assumée

Contrairement à d’autres constructeurs qui ont fait le choix radical du tout-électrique, Toyota maintient une "approche multi-technologies" pour réduire les émissions de CO₂. Cette stratégie consiste à "offrir aux clients un choix de solutions durables, quel que soit leur lieu de résidence ou leur situation personnelle", selon un communiqué de la marque.

Le constructeur japonais est en mesure de proposer simultanément une gamme complète de motorisations, de l’hybride classique à l’électrique, en passant par l’hybride rechargeable, voire l’hydrogène. Cette diversification technologique pourrait constituer un avantage concurrentiel sur un marché français encore hésitant face à l’électrique.

"Notre objectif cette année, c’est de faire 10% de véhicules ‘branchés’, en cumulant hybrides rechargeables et électriques", indique le directeur général de Toyota France.

Des partenariats stratégiques pour les batteries

Pour assurer sa transition vers l’électrique, Toyota a considérablement renforcé sa stratégie d’approvisionnement en batteries. Le groupe a notamment acquis la pleine propriété de Prime Planet Energy & Solutions (PPES), une coentreprise créée avec Panasonic en 2020.

La marque développe également plusieurs technologies de batteries avancées, dont des batteries à électrolyte solide qui promettent une autonomie accrue et des temps de recharge rapides, avec une commercialisation prévue pour 2027-2028.

En Europe, Toyota prévoit de produire localement une grande partie de ses véhicules électriques, avec l’objectif que 80% des voitures vendues sur le continent y soient également fabriquées, limitant ainsi l’impact environnemental et les risques liés aux droits de douane.

Défis et perspectives pour la transition énergétique française

Un contexte d’aides gouvernementales en évolution

L’offensive électrique de Toyota intervient dans un contexte d’évolution des aides gouvernementales françaises. En 2025, le bonus écologique pour l’achat d’une voiture électrique est plafonné à 4 000 €, en baisse par rapport aux années précédentes.

Le leasing social, qui a connu un grand succès mais a été temporairement suspendu, devrait être relancé en 2025 avec une aide financière réduite. Ces modifications du cadre incitatif pourraient influencer les ventes de véhicules électriques, y compris ceux de Toyota.

📌 À noter : La réduction des aides gouvernementales pourrait ralentir la transition vers l’électrique, mais l’arrivée de nouveaux modèles comme ceux de Toyota, proposant un meilleur rapport prix/autonomie, pourrait compenser partiellement cet effet.

La neutralité carbone comme objectif

Toyota s’est engagé à atteindre la neutralité carbone totale en Europe d’ici 2040 et au niveau mondial d’ici 2050. Ses opérations européennes devraient répondre aux critères de neutralité carbone de niveau 1 et 2 d’ici 2030, et de niveau 3 d’ici 2035.

Cette ambition s’inscrit dans un contexte national où la France, qui vise une réduction de 55% des émissions de CO₂ d’ici 2030 par rapport à 1990, a besoin d’accélérer l’adoption des véhicules électriques. Le gouvernement français s’est d’ailleurs fixé l’objectif ambitieux d’atteindre 800 000 ventes de voitures électriques dès 2027.

L’entrée plus vigoureuse de Toyota dans ce segment pourrait donc contribuer significativement aux objectifs climatiques nationaux, tout en stimulant la concurrence et l’innovation sur le marché.

Les incertitudes qui demeurent

Malgré cette offensive électrique, plusieurs questions restent en suspens concernant la stratégie de Toyota en France :

  • Prix et positionnement : Les tarifs des nouveaux modèles électriques de Toyota n’ont pas encore été communiqués, ce qui laisse planer un doute sur leur accessibilité face à une concurrence de plus en plus féroce.
  • Infrastructure de recharge : Le développement du réseau de bornes de recharge en France reste un enjeu crucial pour accompagner cette électrification massive, avec un objectif de 400 000 bornes accessibles au public d’ici 2030.
  • Perception des consommateurs : Toyota devra convaincre sa clientèle fidèle aux hybrides de franchir le pas vers le tout électrique, dans un marché où les réticences (autonomie, prix, infrastructure) restent présentes.

🔍 Analyse d’expert : Si l’offensive électrique de Toyota était attendue, son ampleur et son rythme surprennent. Le constructeur japonais, connu pour sa prudence stratégique, semble avoir finalement admis l’inéluctabilité de la transition vers l’électrique, même s’il continue de défendre une approche diversifiée des technologies de propulsion.

L’entrée déterminée de Toyota dans le segment électrique français marque un tournant stratégique pour le constructeur japonais. Après des années de focalisation sur l’hybride, la marque semble déterminée à rattraper son retard dans un marché en pleine transformation. Cette offensive pourrait non seulement intensifier la concurrence avec les constructeurs français, mais aussi accélérer la démocratisation des véhicules électriques dans l’Hexagone, contribuant ainsi aux objectifs de la transition énergétique nationale.

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